Retour au bercail?

Le voyage avait été éreintant pour Lancel, mentalement mais aussi physiquement. Avec tout ce qui lui était arrivé, ses hauts et ses bas mentaux, le temps exécrable, il avait pris froid et se sentait fiévreux. Pour autant, ce n'était pas tant la fièvre qui le gênait mais la honte. D'après Matthieu, tout le monde semblait savoir ce qu'il s'était passé: les manigances de Cersei, le kidnapping d'Elora... Et ses trahisons infâmes. Il devait voir la princesse Kathleen, dans l'antichambre de ses appartements privés, et il appréhendait. Kathleen avait certes un coeur d'or mais il avait failli tuer ses parents. Sous la menace, peut-être, mais il avait commis un acte affreux et il le savait. Il ne se le pardonnerait jamais. Il était prêt à entendre des injures de la bouche de la jeune femme, des cris, des remontrances, il était même prêt à recevoir des coups. De toute façon, il les aurait tous bien mérité. Il accepterait son châtiment avec dignité. Cela serait, de toute manière, son seul moyen de prouver à quel point il était navré. Mais la rédemption ne suffirait peut-être pas.

Matthieu avait parfaitement effectué sa tâche en allant chercher Lancel et en le ramenant en un seul morceau et parfaitement conscient qu’Elora était en vie et que Kathleen ne lui en voulait pas de ce qui s’était passé. Du moins, ça c’était la version de Matt. Kathleen connaissait assez Lancel pour être persuadée que ça ne serait pas aussi simple et que ce dernier allait sûrement continuer de s’en vouloir pendant un bon moment. C’était la raison pour laquelle elle avait décidé de lui tirer verbalement les oreilles.

Quand elle entra dans son antichambre, Lancel était déjà là, nerveux comme une puce, s’attendant certainement à des remontrances. Kathleen, elle, était suivi d’un serviteur qui portait un plateau, deux tasses, et une théière du thé préféré de Kathleen, suffisamment neutre pour plaire à n’importe qui. Un sucrier et un petit pot de lait étaient présents aussi bien que Kathleen ne consommât ni l’un ni l’autre. Elle sourit à Lancel.

« Soyez le bienvenu, Lancel. Asseyez-vous. »

Kathleen prit elle-même place dans un fauteuil et laisse le serviteur les servir tous deux en thé. Une fois ceci fait, elle en but une gorgée, puis jeta un coup d’œil à son garde du corps, intérieurement amusée, mais aussi contrariée des dégâts que Cersei avait causé chez lui. Reposant la tasse encore bien pleine, elle jugea qu’il était temps de rentrer dans le vif du sujet en s’efforçant toutefois de ne pas brusquer le jeune soldat à qui il ne faudrait qu’un rien pour qu’il s’effondre.

« Bien, dites-moi tout ce que vous souhaitez sans retenue. Je vous écoute. »

Le meilleur moyen pour le mettre le plus à l’aise possible.

Lancel fut surpris par le ton cordial et chaleureux de la princesse qu'il servait. Elle le traitait toujours en ami malgré le fait qu'il avait attenté à la vie de ses parents, les souverains bien-aimés du royaume. Lui obéissant, il prit place près de la cheminée. Un feu brûlant y crépitait, sa bénédiction lui réchaufferait le corps transi de froid qu'il avait.

« Bien, dites-moi tout ce que vous souhaitez sans retenue. Je vous écoute. »

Il décida de cesser de regarder ses mains qu'il tordait. Il était un homme et Kathleen méritait cette preuve de respect: la regarder dans les yeux, la regarder alors qu'il parlait.

« Je ne sais par où commencer Votre Altesse... Je... Les mots ne suffisent pas pour exprimer tout le regret et toute la honte que j'éprouve quand je pense à ce que j'ai failli faire à vos parents, alors que toute votre famille n'a été que bonté envers moi... Je sais, grâce à Matthieu, que vous connaissez toute l'histoire mais pourtant, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir... Si j'avais été plus fort, plus intelligent, tout cela ne serait jamais arrivé. Mes fautes passées m'ont rattrapées. Je n'ai fait que récolter ce que j'avais semé jadis et que j'avais abandonné derrière moi... Mais j'ai conscience d'avoir mal agi. Et c'est un euphémisme. Je suis prêt à accepter n'importe quelle punition pour racheter ma faute. Même si elle doit en passer par ma mort. »

Il espérait que Kathleen ne remarquerait pas ses légers tremblements, sa pâleur ou les quelques gouttes de sueur qui perlaient de son front. Il ne manquerait plus qu'elle le plaigne alors qu'il ne méritait que ses cris, ses coups, ses injures, toute sa ire pour le crime affreux qu'il avait failli commettre. Il l'aurait mérité. Ils avaient raison. Ils avaient tous raison... Cersei, Robert, Tyrion... Il n'était qu'un idiot qui n'avait qu'une seule couille et pas de cerveau, ou qui avait de la merde à la place de la cervelle, un idiot doublé d'un fou et d'un faible... Et il ne serait jamais rien de plus que cela.

Kathleen était tranquillement installée devant Lancel et elle ne le jugeait pas, ou plutôt elle le jugeait de manière extrêmement positive. Mais elle savait qu’il avait besoin de s’exprimer et surtout de demander pardon, même si cela ne servait à rien. Elle le laissa donc parler librement, exprimer ses remords, ses doutes, tout ce qui pouvait représenter ses difficultés à avoir une haute opinion de lui-même. Elle se chargerait après de la fessée pour lui remettre les idées en place, enfin au sens figuré.

Quand il eut terminé d’exprimer ses remords et sa douleur, de parler de punition, voire de mise à mort, Kathleen ne dit rien. Elle se contenta de boire une gorgée de thé, sachant qu’elle allait devoir contrôler ses propos pour ne pas se montrer dure et réprobatrice. Secouer Lancel était une chose, mais Kathleen avait certains principes. Et il n’était pas question de s’en prendre à Lancel trop agressivement. Une fois qu’elle eut pris le temps de réfléchir, elle leva les yeux sur son garde du corps.

« Il n’y aura pas de sanction. »

Elle posa la tasse sur l’assiette, s’assura que la tasse de Lancel était pleine et qu’il restait des biscuits dans l’assiette. Puis, elle releva la tête à nouveau.

« Détendez-vous un peu, mangez un morceau, buvez une gorgée de thé ! Et respirez à fond ! Tout va bien. »

Elle but une nouvelle gorgée de thé avant de poursuivre la conversation, toujours sur un ton d’apaisement.

« Ecoutez, vous avez agi avec courage et au mieux de ce qu’il était possible. Si j’avais moi-même eu à choisir entre deux vies innocentes que je prendrais moi-même et la vie de Dewan, j’ignore si j’aurais été capable de faire un choix. Nous avons tous eu de la chance, en effet, que Léa soit réveillée, et qu’elle vous surprenne. Le pire a pu être évité, mais votre choix était cornélien, et nul ne pourrait, n’oserait même vous reprocher d’avoir choisi. Ne pas le faire revenait à choisir tout-de-même car Cersei aurait tué Elora avant que nous ne puissions la sauver. Non, Lancel, vous n’avez pas démérité, et s’il ne tenait qu’à moi, ce serait Cersei que je condamnerais, non à mort car je désapprouve cette pratique, mais tout au moins à une punition exemplaire pour vous avoir contraint à un choix aussi cruel. »

Lancel écouta la princesse faire son plaidoyer en sa faveur. Ce qui l'étonna. Il avait failli tuer ses parents et elle lui pardonnait, elle disait même qu'il n'y était pour rien! Elle le plaçait en victime et non en coupable! Oui, il avait été une victime mais s'il avait été plus fort, cela n'aurait jamais eu lieu. D'après les mots de la jeune femme, personne ne lui en voulait, mais lui, il s'en voudrait à vie. Sa présence causait du tord aux gens. Cependant, être ces mots le touchait et il se mordit la lèvre pour ne pas pleurer. Le stress retombait, tout regagnait une normalité et tout son être, alors tendu, voulait lâcher prise, enfin. Mais de quoi aurait-il l'air, en chevalier sanglotant?

Quel être pitoyable je fais...

Oui pitoyable, c'était bien le mot, pitoyable car incapable d'être plus indulgent avec lui-même, parce qu'il était bête, naïf et surtout, parce qu'il était juste faible.

Au lieu d’obtempérer et de manger enfin quelque chose, ce qui lui aurait fait du bien, Lancel se contentait d’écouter sans vraiment avoir l’air de reprendre le dessus. En plus, il semblait être à deux doigts de fondre en larmes, et Kathleen savait qu’il se retenait pour les apparences et uniquement pour cela. Elle en fut contrariée. Lancel avait besoin d’être remis sur pied au plus vite. Il allait être père après tout et si ce n’était pas à elle de lui apprendre cette nouvelle, il valait mieux pourtant qu’il y fût près.

« Laissez-vous aller un peu, Lancel. Pleurez un bon coup, laissez votre stress retomber, et ensuite vous vous sentirez mieux. »

Elle l’aurait serré dans ses bras sans ce protocole si pesant mais toutefois nécessaire, compte tenu du fait qu’elle était une princesse. Et encore, elle n’était pas certaine de s’en priver si Lancel fondait réellement en larmes. Le bien-être de ceux qui l’entouraient avait toujours passé et passerait toujours avant le protocole et même avant tout le reste, y-compris son propre bien. Plusieurs personnes désapprouvaient cette tendance chez une princesse qui devait penser au bien-être de son royaume, mais elle était faite ainsi.

[Désolée pour la longue attente, ne recevant plus les notifications, je pensais qu'il n'y avait pas de suite!]

Lancel écouta la princesse et s'en voulut qu'elle ait à agir ainsi avec lui. Pleurer un bon coup... Oh ça, il l'aurait aimé, mais pleurer devant une personne de sang royal... Et quelle signification auraient ses larmes? Des larmes de soulagement? De joie? De honte? Il venait d'entendre que non seulement il n'allait pas être puni mais qu'en plus, on le croyait, on le comprenait, on voulait punir celle qui l'avait fait tant souffrir! C'était une pensée qui lui réchauffait le coeur, avoir trouvé un foyer où il était accepté et compris. Alors même qu'il n'y pensait plus, il sentit une larme rouler le long de sa joue. Il tenta de l'essuyer mais une autre vint continuer le début de l'oeuvre de la première. C'était plus fort que lui. C'était trop. Beaucoup trop. Il fallait que cela sorte, même s'il ne le voulait pas, et il ne le contrôlait plus. Il espérait juste qu'il ne ferait pas trop honte à une maîtresse qu'il ne méritait pas.

Lancel n’était pas à l’aise avec la situation actuelle, c’était plus qu’évident. Kathleen le comprenait. Le jeune homme était un soldat, un homme loyal et fidèle. Il avait dû la trahir pour permettre à Elora de vivre et il ne pouvait pas forcément vivre libre dans sa tête avec cette conviction. Kathleen savait qu’une sanction aurait peut-être pu aider le jeune homme à évacuer sa culpabilité, mais elle n’était pas adepte de ce genre de choses et puis, elle ne voulait pas que Lancel se sente accusé par elle. Pourtant il allait falloir qu’il expie pour lui-même.

« Croyez-moi, Lancel, si je pensais que vous punir était bon pour que vous vous pardonniez, je le ferais, mais je préfère que vous acceptiez de vous pardonner sans ça. Il est important pour moi et ma famille que vous vous sentiez bien parmi nous, et je tiens à ce que vous puissiez de nouveau avoir confiance en vous. Je serai toujours là si vous éprouvez le besoin de parler de ce que vous ressentez, et je ne vous jugerai jamais pour vos émotions, croyez-moi. »

Kathleen tenait à ce que Lancel se sente enfin libéré de ce poids qu’il s’imposait alors qu’il n’y avait pas lieu. C’était déjà tellement compliqué pour lui, dans sa vie et avec sa famille. Il ne valait mieux pas qu’il s’en rajoute en se pensant ennemi de la famille qu’il servait alors que Kathleen l’accueillait, tel un réfugié pour le protéger. Elle espérait qu’il le comprenne.

Cette fois-ci, Lancel ne put retenir ses larmes. Elles roulèrent le long de ses joues pâles, silencieuses alors qu'il tentait de ne pas faire trop de bruit. Une partie de lui continuait à lui dire qu'il ne méritait pas la gentillesse de Kathleen, sa compréhension, son coeur qui lui pardonnait et lui ouvrait, une nouvelle fois, les portes de son royaume. Il pensa à sa mère, si dévote. Elle lui aurait dit que c'était la volonté des Sept Dieux. Tout arrivait pour une raison et les Dieux l'avaient envoyé servir une grande dame avec de si nobles vertus parce qu'ils avaient jugé qu'il avait assez souffert, qu'il était pardonné pour ses péchés, qu'il méritait sa fin heureuse, aux côtés de la femme qu'il aimait, de sa soeur, tout en servant un royaume qui lui permettait de jouir d'un tel bonheur. Alors oui, il pleurait, parce que c'était la seule chose qui parvenait, sur le moment, à libérer son coeur que Cersei avait encore une fois bien malmené.

Kathleen posa une main sur l’épaule du jeune homme, afin qu’il sente son soutien pour elle. Elle savait qu’il fallait qu’il évacue pour aller mieux, même si ça ne lui faisait pas plaisir de le voir aussi désespéré. Mais une fois que tout cela serait passé, les choses pourraient reprendre normalement. Kathleen songeait que le plus simple, ce serait qu’il reprenne l’entraînement pour lui-même et pour retrouver la vie normale. Et puis, il y avait Elora, la petite Janei, sa famille. Sans oublier son amie Amerei, qui résidait également au château. Quoi qu’il arrive, Lancel ne serait pas seul.

« Courage, Lancel, rien n’est fini, tout ne fait que commencer. »

Elle lui tendit un mouchoir de coton et attendit qu’il se calme. Il était ensuite temps de passer à des choses plus agréables. Elle savait que Lancel pouvait trouver un peu de moments de bonheur rapidement grâce aux gens qu’il aimait. Il était grand temps de lui rappeler qu’il en avait, qu’il avait des personnes qui lui étaient chères. Elles l’attendaient depuis leur retour. Kathleen savait que les deux jeunes femmes avaient eu très peur pour Lancel depuis ce qui s’était passé et elle était impatiente de pouvoir les rassurer.

« Vous sentez-vous mieux ? Voulez-vous que nous allions voir Elora ? Ou Amerei ? »

Lancel tenta de reprendre ses esprits, séchant ses yeux et respirant doucement pour retrouver son calme. Bien sûr, il irait rendre visite à Ami, il lui devait tellement! Ses dettes devenaient de plus en plus grandes et elle ne demandait jamais rien en retour, cela n'était pas juste! Il trouverait un moyen de la remercier. Elle était comme un ange veillant sur leur relation, elle qui avait pourtant été nommée pour être la légitime. Mais surtout, savoir Elora au château lui réchauffait le coeur. Elle était en sécurité à nouveau et désormais, il ne souhaitait plus qu'une seule chose: la retrouver, l'enlacer, sentir sa chaleur pour réaliser que ce n'était pas un rêve, que ce cauchemar était terminé. Il espérait qu'elle pourrait lui pardonner sa faiblesse.

- Je me sens mieux, Votre Altesse... Merci beaucoup... Je... J'aimerais revoir Elora, si vous m'y autorisez.

Il se sentait mieux, peut-être un peu vide, les aléas des crises de larmes mais cela serait vite réglé. Revoir Elora réveillerait son âme, revoir Janei sa joie, revoir Amerei son espoir.

Kathleen était contente de voir que Lancel retrouvait du poil de la bête. Il était temps qu’il se remette debout et qu’il retrouve confiance en la vie. Et la première à pouvoir l’aider, c’était évidemment Elora. Ce n’était pas pour rien que le jeune homme avait aussitôt demandé à voir celle qu’il aimait et Kathleen lui sourit en l’entendant le demander. C’était un signe qu’il revenait dans de bonnes dispositions et que le plus dur était passé. La jeune femme sourit donc à Lancel et acquiesça franchement.

« Bien-sûr, je t’emmène auprès d’elle tout de suite »

Kathleen entraîna Lancel à la chambre de la jeune femme et les laissa seules tous les deux. Il était temps pour Lancel de remonter la pente.