Des retrouvailles particulières [Pv : Daniel Jackson]

« Boo… Pourquoi ici ? »

Le visage dépité de Jaina en disait long sur ce qu’elle pensait. Boo Green, comme à son habitude, avait oublié de préciser dans quel coin ils allaient poser le White Ghost Shivers. Et l’idée de la forêt de Sherwood n’emballait guère la barmaid. Cependant pour Boo, ce choix était plus dicté par son cœur que par la raison. Elle savait très bien que le Roi Arthur surveillerait de près ses affaires, mais tant qu’elle était prudente dans son choix de clients, elle n’avait rien à craindre.

« Hum… Disons que j’ai besoin de voir quelqu’un. Pour le boulot. »

C’était vrai, mais en même temps, il y avait une autre raison. Cet homme, elle l’avait connu il y a quelques années, quand elle était atteinte d’un cancer assez mauvais. L’unique médicament était l’implantation d’une larve, appelée Tok’ra. Elle se revoyait encore devant la Porte des Etoiles, hésitante sur la suite des opérations. Et lui, son visage doux et paisible, tentant vainement de la rassurer. Daniel Jackson… Un sacré phénomène. Ils avaient discutés pendant plusieurs minutes, avant de franchir ensemble le vortex.

Pendant sa convalescence, il était passé la voir. Ils avaient discuté de pas mal de choses, notamment d’archéologie, d’anthropologie et de linguistique. Boo se passionnait pour beaucoup de choses, sûrement à cause de son enfance isolée. Elle avait vu en Daniel un confident. Du moins le temps de s’habituer au symbiote.

Puis les choses avaient changé. Radicalement. Avoir un Tok’ra présentait des avantages, mais aussi un énorme inconvénient : celui de faire la guerre contre les Jaffas. Boo n’était pas une guerrière, même si elle savait envoyer quelques coups bien placés. Elle était plutôt du genre à parlementer, à embrouiller les esprits. Du coup elle s’était heurtée à un mur énorme. Elle devait trouver un moyen de vivre sa vie comme elle l’entendait. Et c’est à ce moment là qu’elle a utilisé Daniel à ses fins.

Son symbiote n’était pas du même avis, mais s’était résigné face à la force de caractère de son hôte. Elle devait trouver une diversion, un moyen de partir sans qu’on s’en rende compte. Cependant, en faisant ça, elle mit Daniel dans un certain embarras, et surtout l’utilisa comme un leurre auprès des Tok’ra. Elle se doutait bien qu’elle avait du le blesser. Mais elle n’avait pas d’autres solutions.

Dehors, l’air était frais. Elle portait comme à l’accoutumée un magnifique costard cravate bleu nuit, avec un nœud papillon bleu clair. Elle fumait tranquillement son cigare et repensait à tout ça. « Je fais vite », avait-elle promis. Dans sa main droite, elle tenait une sacoche. Elle marchait d’un pas assuré vers le château. « Quelle idée d’habiter ici… » Elle aurait préféré le voir ailleurs, dans une charmante petite maison, car elle le savait marié et père de famille. Cela lui fit un léger pincement au cœur, mais elle savait très bien qu’elle n’était pas faite pour ça.

Pour le voir, elle avait dû batailler. Au château, soit tu avais un laisser passer, soit tu poireautais dehors. Elle s’était empressée de lui laisser un message et surtout, de bien choisir ses mots pour qu’il accepte de la voir. « Daniel, je sais que je t’ai blessé. J’aimerai cependant te voir pour parler. En fait, j’ai vraiment besoin de te voir. En souvenir du bon vieux, j’espère que tu accepteras. Sinon, je respecte ton choix et je ne t’embêterai plus. De plus, j’ai un petit cadeau qui ravira l’archéologue que tu es ». Finalement, à sa grande surprise, elle avait eu son petit papier.

Autour d’elle, les gens commençaient à parler de l’arrivée de son bar. Le White Ghost Shivers, l’attraction interplanétaire. Certains se demandaient déjà s’ils auraient l’audace de pénétrer dans l’enceinte. Elle esquissa un sourire, puis se ravisa une fois devant le château. Arriver jusque-là était une partie de plaisir, voir Daniel en était une autre. Après une attente qui semblait interminable, ou son laisser passer lui ouvrit plusieurs porte, elle put enfin le rejoindre. Il était à la bibliothèque, en train d’étudier. Toujours fidèle à lui-même. « Salut Daniel. Ca fait un bail… » L’heure des retrouvailles avait sonné.

« Bonjour Boo. Effectivement. Que voulais-tu me dire ? »

Le ton était neutre, ce qui déstabilisa légèrement Boo. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui saute dans les bras, mais plus à des reproches. Enfin, cela pourrait toujours arriver dans pas longtemps. Elle esquissa un sourire et fila s’installer juste en face de Daniel. La bibliothèque était un lieu assez imposant et elle comprenait mieux pourquoi il vivait ici. Tant de savoir, tant de choses incroyables à découvrir… L’heure n’était pas à la lecture, mais plutôt aux retrouvailles. Boo cherchait à tout prix le meilleur moyen de faire passer son message. Devait-elle montrer le cadeau de suite ? Devait-elle faire un long discours émouvant ? Raven lui disait toujours d’être sincère. Pas de long discours. Juste ce qu’elle pensait. Et c’est ce qu’elle fit, en prenant une grande inspiration.

« Il y a quelques années, j’ai fait une énorme boulette. Je me suis servie de toi pour fuir les Tok’ra. Je sais que j’aurai dû venir plus tôt, mais j’ai eu honte… et peur… » Elle regarda brièvement par la fenêtre, comme pour chercher un moyen de se motiver et reprit : « Tu sais que ma vie n’a pas été rose, mais cela ne justifie pas ce que j’ai fait. Avec ce symbiote a été une chance inouïe pour moi. De refaire ma vie, de faire ce que je voulais. Mais tu sais aussi bien que moi que vivre avec les Tok’ra n’est pas une partie de plaisir. Toujours à comploter, toujours à faire la guerre, même avec vous. Je ne pouvais rien vous dire, je ne pouvais pas vous aider. Et c’était très frustrant. J’ai décidé de prendre le large, parce que je voulais être maître de mon destin. Je ne regrette pas d’être partie, je ne regrette pas qui je suis devenue, je regrette seulement la façon dont je l’ai fait. Et cette amitié que je tente de réparer ».

Elle avait à présent une boule dans la gorge. Faire ses excuses n’était pas dans sa nature et Jaina avait même plaisanté en disant qu’elle aurait aimé être une souris pour voir ça. Mais c’était Daniel. Un homme incroyablement bon et gentil. Cultivé et intelligent. Qui savait se battre pour ce qui était juste. Il lui avait donné son amitié. Il l’avait aidé dans un moment douloureux. Et elle avait brisé ça, comme un vase qu’on brise lors d’un accès de colère. « Je te demande pardon. Je sais qu’on ne pourra pas repartir comme avant, mais si au moins on pouvait faire table rase du passé, je serais ravie ». Maintenant son cœur battait à toute allure. Elle le savait pacifique, mais elle savait aussi qu’elle était allée loin dans cette histoire. « Cependant, si tu ne veux pas, je comprendrai tout à fait et je partirai. Je reste deux mois ici et ensuite je change de lieux, j’espère qu’on aura l’occasion de rattraper le temps perdu ».

Elle sorti de son sac une tablette. Daniel pouvait voir de loin une écriture qui ressemblait assez à du Tzeltal, avec quelques variations. Cette fois-ci, elle lui offrit un très beau sourire et d’un air amusé, lui dit : « Une petite chasse au trésor, ça te dit ? »