C'est la fin, retiens ton souffle et compte jusque 10...

Il faisait déjà très sombre quand Lancel atteignit la falaise la plus haute du village. La pluie tombait, diluvienne. La lune semblait morose, elle se cachait derrière d'épais nuages et ne semblait guère vouloir sortir pour illuminer son manteau sombre qui recouvrait le ciel, cachant avec elle sa multitude d'étoiles scintillantes. Le vent soufflait, tout respirait le lugubre. Le son des vagues déchaînées qui se brisaient en une infinité de goutte d'eau sur les parois rocheuses acérées envahissaient le lieu. Lancel se tenait là, non loin du pic de la falaise. L'eau qui ruisselait sur son visage, le froid, rien ne le perturbait. Il était déjà mort de toute façon. A quoi bon vivre si Elora n'était plus de ce monde? Qu'elle était morte par sa faute? Son existence n'avait été qu'une vaste plaisanterie, il avait fait du mal à tout ceux qui voulaient l'aider, son coeur était brisé au-delà du réparable... Il était temps d'en finir. Lentement, il avança vers le vide. Bientôt tout serait fini et avec un peu de chance, son corps ne serait jamais retrouvé, sa tombe serait aquatique. Il était temps. La Mort... Enfin.

Quand Elora était rentrée en compagnie de l’escorte prévue pour la ramener et d’Amerei, ex-promise de Lancel et amie de ce dernier, Kathleen avait espéré que son retour précéderait celui de Lancel, mais sans trop y croire. Elle connaissait Cersei de ce que Lancel lui avait raconté, et il était plus que probable que la jeune femme ne laisserait pas repartir son cousin. Mais le sort qu’elle lui réserverait avait de quoi alarmer la jeune princesse. Et avec la petite Camille nouvellement arrivée, Kathleen ne pouvait pas se permettre de la laisser toute seule pour partir à la recherche de Lancel.

C’était la raison pour laquelle Matthieu se trouvait aux abords de Camelot, après avoir transplané, une lettre de recommandation de Kathleen à la main, afin de découvrir ce qui était advenu de Lancel et le secourir, quel que fût le moyen qu’il devrait employer. La seconde partie du plan ne posait aucun problème à Matt qui ne craignait pas de devoir utiliser sa baguette le cas échéant. Mais la première, retrouver Lancel, lui posait question. Il n’avait pas la moindre idée de là où il pourrait entamer ses recherches.

Aussi, quand il aperçut Lancel un peu plus loin, il se dit que la chance lui souriait, jusqu’au moment où il perçut son mouvement. Lancel allait basculer dans le vide. Et Matthieu ne douta pas une seule seconde que c’était intentionnel. Toutefois, il n’était pas question de ça. Kathleen, et plus encore Elora, ne le lui pardonnerait jamais. Et il ne se le pardonnerait certainement pas à lui-même. Il leva sa baguette et la pointa vers le soldat.

« Accio, Lancel ! »

Bon ok, ça n’avait rien de très distingué mais il n’aurait pas eu le temps de l’atteindre et au moins, il n’était plus sur le bord de la falaise. S’approchant, il s’avança debout entre Lancel et le vide et mit ses poings sur ses hanches.

« Eh bien, eh bien ! Une seconde de plus et on vous ramassait à la petite cuillère, mon cher. C’est Elora qui n’aurait pas été contente ! »

D'un coup brusque qui le sortit de sa torpeur, Lancel se sentit subitement attiré vers l'arrière avec violence, il avait  décollé pendant un moment, ne contrôlant plus son corps et atterrit loin du pic de la falaise, tombant les fesses les premières sur le sol boueux. Ayant fermé les yeux à cause de la légère douleur qu'il ressentait, il les rouvrit et découvrit alors des jambes. Levant son regard émeraude secoué, il découvrit alors Matthieu. Ah Matthieu, dire qu'il l'avait admiré, comme il aurait honte de lui!

« Eh bien, eh bien ! Une seconde de plus et on vous ramassait à la petite cuillère, mon cher. C’est Elora qui n’aurait pas été contente ! »

Le jeune homme baissa les yeux aussitôt, sentant toute sa peine, tout son désespoir intérieur revenir. Matthieu avait tenté l'humour mais comme il se montrait cruel! Elora... Elora ne pouvait plus rien exprimer. Elora... N'était plus en état de dire, de penser, de faire quoi que ce fusse. La plaie béante de son coeur se remit à saigner et il sentit des larmes lui brûler les yeux. Pourquoi vouloir le sauver?! Il n'avait plus aucune raison de vivre! Elora était morte, Cersei avait gagné sur tous les plans. Il ne connaîtrait plus jamais le bonheur, son Ange avait été abattu, elle l'avait fait trahir ses amis, ceux qui croyaient en lui. Moralement, socialement, il était déjà mort, il n'était plus qu'un cadavre ambulant, qui se mouvait suite à des terminaisons nerveuses. Il avait bien pensé à Janei mais quel destin pour elle si son renégat de frère s'occupait d'elle? Elle avait plus de chance dans la vie en étant pupille d'une nation ou renvoyé auprès de leurs parents.

« Vous êtes cruel... » Parvint-il à murmurer dans un souffle. « Elora... Pourquoi... Pourquoi vous servir de sa mémoire? De son souvenir? Elora... Elora n'est plus... »

Lancel avait une tête complètement désespérée qui fit de la peine à Matthieu. Cette Cersei n’avait vraiment aucun cœur, et sa cruauté n’avait d’égale que la laideur de son âme, de tout son être pour avoir autant de plaisir à gâcher la vie d’un homme. Matthieu doutait du fait que la femme désirât la mort du jeune homme, mais elle avait probablement espéré le retenir, voire l’assujettir, par ce désespoir. Elle avait dû être bien déçue quand Lancel avait fui. Peut-être même avait-elle actuellement lancé des hommes à sa recherche, des humains, contre lesquels Matthieu répugnerait à user de sa magie. Toutefois, il maîtrisait assez bien l’usage de l’épée pour lutter à armes égales.

Pour l’instant, il fallait commencer par remonter le moral de ce pauvre Lancel, qui était techniquement son supérieur hiérarchique et qui était actuellement très peu en état de diriger les troupes du Royaume d’Ariel, ou la Garde Personnelle de Kathleen. Or, il n’avait aucune raison d’être dans cet état. Elora était en vie, en bonne santé, en sécurité au Royaume d’Ariel, et lui-même n’était pas en danger avec un sorcier à ses côtés. Seulement, tout cela, il ne le savait pas. Matthieu sourit d’un air moqueur, achevant la phrase que Lancel n’arrivait pas à terminer, persuadé qu’il était de la mort de sa promise.

« Rentrée, oui », dit-il sur le ton de la conversation. « Les soldats l’ont ramenée hier. Et comme vous n’étiez pas avec eux, Kathleen m’a envoyé sur-le-champ. Oui, je sais, je suis arrivé plus vite qu’eux. J’ai transplané. Mais je pense que nous devrons rentrer à pied. Je maîtrise mal le transplanage d’escorte et je préférerais vous ramener en un seul morceau, sinon, Kathleen va m’assommer. D’ailleurs, en passant, vous ne vous approchez plus des précipices ! Sinon, je me fâche ! » conclut-il d’un ton faussement paternaliste.

« Rentrée? » Murmura-t-il éberlué

Elora... Vivait? Elora vivait?! Elora était en vie! Le choc s'empara de Lancel qui sentit alors comme une vague l'envahir, une vague qui lui rendait vie et espoir. Elora vivait. Il n'y avait pas plus belle phrase pour lui à ses oreilles. Elle avait été sauvée, mise en sécurité, elle allait pouvoir tout oublier, l'oublier pour mieux reprendre sa vie. Il ne la méritait pas, il l'avait mise en danger, elle devait le détester. Puis, il entendit Matthieu parler de rentrer, ordre de Kathleen. Voulait-elle l'exécuter? Non, il en doutait, Kathleen avait en horreur ces techniques barbares et on ne l'aurait pas laissé partir aussi facilement du royaume. Alors pourquoi?

« Je ne peux pas revenir avec vous... J'ai commis un acte impardonnable. J'ai trahi la famille royale, j'ai trahi mes serments, je n'ai plus le droit de fouler le sol du royaume d'Ariel, j'en suis indigne. »

Matthieu put lire le soulagement sur le visage de Lancel, mais celui-ci se lança alors dans un discours qui ne lui plut pas du tout. Kathleen avait dépeint dans le détail la situation à Matt et il savait donc exactement de quoi il retournait. Toutefois, il n’était pas question de laisser Lancel s’embourber dans ses remords. Matt avait juré de le ramener et il s’y emploierait. Mais il fallait d’abord le convaincre de se respecter lui-même et ça n’allait pas être de tout repos. Il commença par l’aider à se relever.

« Que de sottises ! Ne savons-nous pas tous deux que c’est cette dinde allumée de Cersei qui vous a contraint ? Et croyez-le, Kathleen le sait aussi bien que moi, vous n’y êtes pour rien. D’ailleurs, elle n’en a parlé qu’à quelques personnes triées sur le volet, elle tient à ce que ça demeure secret. Pour ne pas entacher votre réputation. »

Matthieu lui adressa un sourire en coin, en espérant qu’il comprendrait à demi-mot combien Kathleen souhaitait qu’il revînt. Il n’était pas exclu qu’elle-même lui remette les points sur les i à son arrivée, mais en ce qui le concernait, une partie du travail serait déjà fait.

« De toute façon, Kathleen m’a demandé de vous ramener, et je le ferai, même si je dois vous stupéfixer et vous porter sur mon dos. Mais je préférerais éviter, si ça ne vous ennuie pas. C’est pas que, mais je serais plus à l’aise si vous marchiez à mes côtés, plutôt. »

« Que de sottises ! Ne savons-nous pas tous deux que c’est cette dinde allumée de Cersei qui vous a contraint ? Et croyez-le, Kathleen le sait aussi bien que moi, vous n’y êtes pour rien. D’ailleurs, elle n’en a parlé qu’à quelques personnes triées sur le volet, elle tient à ce que ça demeure secret. Pour ne pas entacher votre réputation. De toute façon, Kathleen m’a demandé de vous ramener, et je le ferai, même si je dois vous stupéfixer et vous porter sur mon dos. Mais je préférerais éviter, si ça ne vous ennuie pas. C’est pas que, mais je serais plus à l’aise si vous marchiez à mes côtés, plutôt. »


Aux mots " dinde allumée de Cersei ", Lancel ne put réprimer un petit rire face au franc-parler de Matthieu. Puis il écouta attentivement chaque parole qu'il prononça. Kathleen lui avait pardonné. Peut-être qu'elle ne lui en avait jamais voulu de base. Elle avait tout fait pour l'aider et elle l'avait même protégé, son acte maudit serait mort car non répertorié. Tant de délicatesses, d'attentions... Pour lui. Il n'avait pas l'habitude qu'on le fasse passer en premier. Ses parents l'aimaient, bien entendu, il n'en avait jamais douté et Kevan avait pu lui prouver qu'il le choisirait des milliers de fois avant le pouvoir mais c'était plus fort que lui. Lui, le jeune homme gauche, timide, maladroit, on l'estimait. On l'aimait même. Cela le touchait de manière indicible. Il eut à nouveau envie de pleurer, de joie et de soulagement.

« Me stupéfixer vous causera des ennuis et j'en ai causé assez, je crois... »

Lancel ne put retenir un petit rire et Matthieu sut qu’il avait prit la bonne direction en relativisant à grands renforts d’humour. Il était temps que Lancel sache qu’il était le bienvenu dans leurs vies à tous et qu’il n’était pas persona non grata et ne le serait jamais. Lancel restait le garde du corps privé de Kathleen, mais il s’agissait maintenant de la ramener et pour ça, il allait devoir le convaincre. mais cela semblait bien parti à priori. Même si Lancel semblait encore se complaire dans l’auto-reproche.

« Eh bien en fait, c’est surtout à vous que ça attirerait des ennuis, Lancel. Personnellement, je recevrais sûrement les félicitations du jury, comprendre Kathleen, pour vous avoir ramené. »

Il afficha un sourire en songeant à la tête de Kathleen s’il devait ramener Lancel stupéfixé au royaume. Elle se moquerait de lui avant de se fâcher contre Lancel, très probablement, du moins, dans la mesure où Kathleen pouvait se fâcher. Ce n’était pas tellement son genre.

« Mais comprenez-moi, je n’aime pas vraiment porter, alors si vous acceptiez de marcher, je préfèrerais quand-même. »

« Mais comprenez-moi, je n’aime pas vraiment porter, alors si vous acceptiez de marcher, je préférerais quand-même. »

« Et je marcherai de bonne grâce, mais je crains que je ne sois guère d'une compagnie très joyeuse. Mais Matthieu, Elora... Elora en vie? Comment un tel miracle est-il possible? La route sera longue, aussi expliquez moi tout en chemin, le temps sera utilisé à bon escient.  »

Le tonnerre résonna, violent, et un éclair déchira le ciel, la pluie redoubla d'intensité. Le vent était froid et traversait ses os, sa peau collant à ses habits trempés des larmes des nuages. Il était temps de se mettre à l'abri puis en route. En route vers le royaume d'Ariel. En route vers le pays qu'il n'aurait jamais du quitter. Son pays.

Enfin, quand ça sera plus calme...

Voyager par un temps d'orage était dangereux et il venait d'être sauvé de la mort, ce n'était pas pour être foudroyé ensuite. Cela aurait été d'une ironie sans nom.

Matthieu leva les yeux vers le ciel où l’orage venait d’éclater. Voilà qui n’allait pas être pratique pour voyager, il n’avait pas vraiment envie de se mouiller et encore moins d’être foudroyé par un éclair. Heureusement, être un sorcier avait ses avantages. Matt leva sa baguette et décrivit une sorte de cercle autour de Lancel et lui dans la verticale puis dans l’horizontale. Sans perdre de sa concentration, il prononça le sortilège à haute et intelligible voix.

Une bulle bleue entoura les deux hommes et quand Matthieu rabaissa sa baguette, des gouttes de pluie vinrent s’écraser au-dessus d’eux et ruisselèrent contre le champ de protection que Matthieu venait de décrire. Un instant, il se demanda si la protection résisterait à un éclair, mais il était bon sorcier et il songea que ça devrait suffire. Un sourire satisfait aux lèvres, il se tourna vers Lancel qui semblait ne pas être très rassuré par l’aspect du ciel, afin de la rasséréner.

« Ne craignez plus rien, avec ceci nous serons à l’abri. Nous tacherons de trouver une auberge pour ce soir, mais avançons pendant que nous bénéficions de ce bouclier. Je ne sais combien de temps je parviendrai à le maintenir. »

Lancel se contenta qu’acquiescer et suivit Matthieu. Le temps était précieux et avec un tel climat, un accident pouvait très vite arriver. Plus vite ils seraient au sec et au chaud, mieux ça serait. Assis près d'un feu autour d'un bon repas, il pourrait écouter l'histoire du sorcier, qui était encore confuse dans son esprit. Comment avaient-ils su? Comment avaient-ils sauvé Elora? D'ailleurs, comment allait-elle? Cersei l'avait-elle blessée? Qu'avait-elle vu? Qu'avait-elle subi? Tant de questions sans réponses se bousculaient dans sa tête fatiguée. Il se sentait vide lui-même et un peu de repos ne lui ferait pas de mal. A Matthieu aussi, qui avait du lui courir après. Et voyager de nuit, même en sachant se battre, était risqué. Moins de visibilité, plus de bandits, la fatigue... Il valait mieux être prudent.

Tandis qu’ils avançaient en direction du Royaume d’Ariel, protégé par le champ du bouclier magique de Matt, celui-ci songea que Lancel devait être à l’affût de toutes les informations. Il avait dû croire qu’Elora était morte et s’il était rassuré sur ce point, il manquait tout-de-même de pas mal d’informations.

« C’est Cersei qui vous a dit que Elora était morte, je suppose. »

Matt secoua la tête avec mépris. Cette femme était la pire des vipères. Lancel avait bien trop souffert à cause de cette femme. Et Matt savait qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que les parents de Kathleen réclament sa tête, ou au moins la justice de la voir enfermée pour toujours. Il ne le faisaient pas uniquement parce que, dans son souci de diplomatie, Kathleen avait fait remarquer qu’il ne serait pas judicieux de mettre Arthur au pied du mur en ces temps de troubles.

« Elora a été secourue par nos soldats, épaulés d’une jeune fille de votre contrée natale, appelée Amerei. Toutes deux sont à présent en sécurité ; elles ont obtenu asile en notre royaume. »

[Désolée pour la longue attente, ne recevant plus les notifications, je pensais qu'il n'y avait pas de suite!]

Lancel ne put qu'acquiescer en silence, analysant toutes les données qu'il recevait. Elora vivait... Il n'arrivait toujours pas à y croire! Et Amerei les avait aidés, une fois de plus! Ah Amerei... Comment pouvait-il la remercier de tous ses bienfaits, de toute son aide? Sans elle, il n'aurait pas pu accomplir tout ce qu'il avait fait. Il repensa à Cersei et se demanda pourquoi un regain de cruauté pareil. Il était parti, oui. Il avait révélé des secrets, oui. Mais à des gens qui, contrairement à lui, n'avaient pas trahi leurs serments. Il était simplement parti pour vivre sa vie, pour mener une existence qui le rendrait fier, car il n'arrivait plus à se regarder dans une glace.Ce n'était pas comme s'il le pouvait encore après tout cela. Mais il ferait face, la tête haute. Parce qu'il avait au moins cela: Un minimum de dignité.

Matt marcha un moment en silence aux côtés de Lancel, le laissant digérer les informations qu’il venait de lui donner. Le fait de savoir tout son petit monde, son amie, sa fiancée, sa sœur en sécurité et l’attendant au royaume pouvait l’aider à avancer. Maintenant, le pire était derrière lui mais Matt savait que les cauchemars ne disparaissaient pas facilement. Ils l’avaient vécu avec ses propres parents. Même sauver Pauline n’avait pas tout éliminé des cauchemars de son père le torturant pour stimuler son côté sombre. Mais Matt avait toujours refusé d’y céder.

Que ce soit pour s’en prendre aux autres ou à soi-même comme Lancel l’avait fait, Matthieu était persuadé qu’il ne fallait jamais céder à la pression des mauvais. C’était les laisser gagner. Mais c’était vrai aussi qu’il y aurait probablement cédé s’il n’avait pas eu Kathleen. Lancel n’avait pas eu cette chance jusqu’à présent mais au moment fatidique, il l’avait eue aussi. Et lui par effet ricochet, mais c’était Kathleen qui lui avait ordonné d’aller le chercher. Kath avait un don pour aider les âmes en peine, il fallait bien le lui reconnaître.

« Tu sais, quand on est la proie des gens méchants, il faut s’accrocher aux choses qu’on a de bien, sinon on chute. Ne les laisse jamais te faire chuter, Lancel. »

Sa voix diminua, se teintant de douleur.

« Jamais les laisser te faire chuter… »

« Tu sais, quand on est la proie des gens méchants, il faut s’accrocher aux choses qu’on a de bien, sinon on chute. Ne les laisse jamais te faire chuter, Lancel. »

Le jeune homme sourit à son interlocuteur. C'était bien vrai mais cette philosophie partait du principe que chacun avait la force de toujours tenir bon. Il aimait à penser qu'il avait une certaine force, sinon, il n'aurait pas survécu jusqu'ici, mais sa force n'était jamais constante.

"Comment faire quand, malgré ce que l'on a de bon, on sent notre volonté défaillir? Même entouré de ceux qu'il aime, l'esprit d'un homme reste sujet à des baisses de courage."

Sa voix avait été à peine plus haute qu'un murmure, presque comme s'il avait honte de cet aveu, une critique de sa part envers lui-même.  Sa faiblesse avait mis en danger la femme qu'il aimait, des souverains qui l'avaient accueilli et qu'il respectait, tout un royaume... Il se savait jeune mais l'excuse de la jeunesse ne prenait plus quand on avait autant de responsabilités, autant de personnes qui nous exprimaient leur confiance.

Matthieu se sentait vulnérable quand il parla à Lancel des mauvaises choses qui font chuter et Lancel ne parut pas s’en apercevoir et rester centré sur sa propre douleur sans comprendre que Matt lui parlait de quelque chose de douloureux de sa propre vie. Il eut un léger sentiment de colère, puis il se rappela qu’il n’était pas donné à tout le monde d’affronter les choses comme il l’avait fait et comme il l’avait réfléchi précédemment, il fallait prendre en compte l’influence de Kathleen. Il songea qu’il devrait attirer l’attention de Lancel sur ce qu’il avait voulu dire s’il voulait qu’il comprenne.

« Ecoutez, Lancel, je vais vous raconter une histoire. Je suis, en réalité, né d’une famille de sorciers du mal. Mon père appartenait à une confrérie et ma mère à une sororité, tous deux maléfiques. Mais je n’avais rien de maléfique en moi et j’ai dû subir leur malveillance et leur violence durant mon enfance et mon adolescence. Je n’ai pu partir qu’avec ma sœur à l’âge adulte et j’ai cru plusieurs fois renoncer. Je ne supportais plus tout cela, mais quelqu’un m’a convaincu de continuer à me battre, de ne pas en finir. Et cette personne, vous l’avez-vous aussi dans votre vie. Alors ne renoncez pas et écoutez-la ! »

« Ecoutez, Lancel, je vais vous raconter une histoire. Je suis, en réalité, né d’une famille de sorciers du mal. Mon père appartenait à une confrérie et ma mère à une sororité, tous deux maléfiques. Mais je n’avais rien de maléfique en moi et j’ai dû subir leur malveillance et leur violence durant mon enfance et mon adolescence. Je n’ai pu partir qu’avec ma sœur à l’âge adulte et j’ai cru plusieurs fois renoncer. Je ne supportais plus tout cela, mais quelqu’un m’a convaincu de continuer à me battre, de ne pas en finir. Et cette personne, vous l’avez-vous aussi dans votre vie. Alors ne renoncez pas et écoutez-la ! »

Lancel se figea. C'était une chose bien rare, le fait que Matthieu se confiait sur son passé. Il ne pouvait qu'imaginer la détresse du sorcier face à cet environnement qui se montrait si diamétralement opposé à sa nature profonde. Et pourtant, il y avait fait face, il s'était relevé, il avait sauvé sa soeur. Et tout ça parce que, malgré ses moments de doute, il s'était toujours appuyé sur l'amour qu'il recevait, l'amour qu'il éprouvait, son propre courage et sa résilience. Cela prendrait du temps mais il aimait à penser qu'il y arriverait, lui aussi. Il devait arrêter de douter. Il n'était pas seul, il ne l'était plus. Elora était désormais sa force qui le poussait à se dépasser, sans compter cette vie nouvelle au royaume d'Ariel, ses nouveaux amis. S'il devait tomber, eh bien, il tomberait mais il se relèverait. Sinon, il ne ferait que rester dans sa misère et s'y plaire tout en prétendant la maudire.


"Je suis touché et honoré que vous partagiez cette histoire avec moi." Avoua-t-il. "Je ferai de mon mieux, non, je dois même faire mieux que mon mieux. Et j'y arriverai."

Il tenta de sourire.

Matthieu hocha la tête, enchanté de voir que Lancel avait véritablement compris quel était le sens de l’accueil qui lui était réservé dans le Royaume d’Ariel. Il était temps qu’il se secoue un peu les puces mais en même temps, Matthieu pouvait comprendre qu’il ait du mal. Il était toujours difficile de se sortir de la tête la douleur de telles situations. Mais dorénavant, Lancel ne serait pas seul et puisque le jeune homme avait décidé de se battre, Matt ne pouvait qu’approuver. Il était heureux que le jeune homme sorte enfin la tête de l’eau.

« Avec Kathleen, croyez-moi, vous y arriverez ! »

Ils marchèrent tranquillement jusqu’au royaume où ils se retrouvèrent en peu de temps. Le paysage était splendide et Matthieu adorait cet endroit où il se sentait chez lui. Il se tourna vers Lancel et lui sourit avec douceur.

« Nous voici à la maison. Vous devriez aller rejoindre Kath au château, elle vous attend. »

A dire vrai, Lancel appréhendait un peu de revoir la princesse après ce qu'il avait fait. Mais il ne fuirait pas, non, il ferait face à ce qui l'attendait et affronterait son destin la tête haute, comme un être humain digne. Il accepterait sa sentence, il demanderait pardon et payerait pour ses fautes. Il était hors de question de se défiler, il devait au roi, à la reine, à la princesse, des explications, des excuses et même au-delà. Il serait incapable de se regarder dans un miroir s'il se dérobait à ses responsabilités. Comment ensuite regarder Janei, Elora ou Amerei en face? Non, il ferait face, avec ses forces, ses faiblesses, mais pas sans courage. Il tenta de sourire à Matthieu en retour.

"Merci pour tout, Matthieu."